L’histoire : la première dimension clé du Changement Social – Marshall Rosenberg
Je pense que cela vous aidera à comprendre les différentes façons dont nous avons appliquer la Communication NonViolente pour soutenir nos efforts de changement social et notre militantisme politique en nous éclairant sur quatre dimensions, quatre problématiques interactives, qui, pour moi, sont très importantes à avoir en conscience. Elles m’aident à décider comment je veux contribuer au changement social.
Dans la première dimension, il y a ce que certaines personnes appellent l’histoire.
D’autres l’appellent le mythe culturel ou le paradigme de base.
Et essentiellement, ce que l’on entend généralement par cette dimension, ce sont les réponses à deux questions très importantes :
- comment étions-nous censés vivre ?
- quelle est notre nature en tant qu’êtres humains ?
Tout cela constitue cette première dimension.
Et je pense que c’est probablement la dimension la plus importante pour le changement social.
Il est crucial que nous comprenions le thème dominant dans n’importe quelle culture.
Comment les gens ont-ils été éduqués pour répondre à ces questions :
- Qu’est-ce que la bonne vie ?
- Comment devrions-nous vivre ?
- Et quelle est notre nature ?
S’inspirant du travail de Riane Eisler, l’auteur et théologien Walter Wink, dans son livre « The powers that be » et dans d’autres écrits, souligne qu’il y a environ huit mille ans, une nouvelle histoire a vu le jour. Une compréhension différente de la réponse à ces deux questions est apparue.
Il y a environ huit mille ans, un mythe a commencé à se développer concernant le commencement du monde. Comment notre monde a-t-il commencé ?
Voyez-vous, il a commencé quand un dieu mâle héroïque et vertueux a écrasé en morceaux une méchante déesse femelle, et à partir de cet écrasement de la force maléfique par la force vertueuse, l’énergie a créé la Terre.
Et quelle que soit la manière dont ces choses ont commencé, cela a évolué pour devenir une sorte de connaissance générale, une compréhension générale.
Cela a été transmis de génération en génération et a répondu à cette question de savoir comment le monde a commencé.
C’est assez bien documenté.
Nous ne savons pas d’où cela a commencé car cela a évolué sur des centaines d’années, mais cela a progressivement évolué pour devenir une sorte d’histoire dans l’esprit des gens sur la façon dont le monde a commencé.
Il n’est pas trop surprenant de voir comment cette première dimension a été répondue et a perduré pendant environ huit mille ans :
- Comment étions-nous censés vivre ?
Et la réponse à cela est que nous étions censés vivre en écrasant les forces maléfiques.
La bonne vie, c’est les forces vertueuses écrasant les forces maléfiques.
Mais ne vous inquiétez pas, si vous avez raté cette histoire, si vous ne l’avez pas apprise, retournez à votre éducation formelle.
La plupart d’entre nous avons appris cette histoire dans l’histoire américaine.
On m’a enseigné quand j’étais enfant que les forces du bien – les États-Unis – devaient écraser les forces du mal.
L’Amérique est le héros.
D’autres pays ont une histoire similaire en tant que forces du bien écrasant les forces du mal.
Si vous ne voulez pas retourner à l’école, allumez la télévision ou regardez un film.
Dans la majorité de ces histoires, le héros tue quelqu’un ou le bat.
Et quand cette violence se produit-elle ?
Un participant : Au climax.
Marshall Rosenberg : Au climax.
C’est comme une joie sexuelle que nous ressentons, et c’est une autre chose que Walter Wink dit : notre culture exige que la violence soit agréable.
Et si vous voulez vraiment savoir comment rendre la violence agréable, allez au Texas chaque fois qu’ils vont exécuter un criminel. Allez à l’extérieur de la prison, et vous verrez des centaines d’étudiants universitaires se rassembler pour des fêtes avant le match. Des centaines d’entre eux, à chaque fois.
Ils boivent et attendent le moment magique. Quel est le moment magique ?
Quand, par haut-parleur depuis la prison, on annonce : « Le prisonnier a été exécuté », et il y a des acclamations sauvages.
Voilà, c’est l’histoire, c’est la bonne vie.
Les bons gars écrasent les mauvais gars.
Maintenant, il y a un petit problème avec cette histoire.
Comment décidez-vous qui sont les bons gars ?
Eh bien, au bout d’un moment, certaines personnes ont eu une idée très créative.
Les bons gars étaient les gens dont les familles étaient plus proches de Dieu que les autres familles.
Ils avaient ce qu’ils appelaient le droit divin de Dieu.
C’était leur droit divin d’être des rois parce qu’ils étaient plus proches de Dieu.
Eh bien, comment sait-on que votre famille est plus proche de Dieu que les autres ?
Parce que je suis roi, oui, mais comment en être sûr ?
Avez-vous vu la taille de mon armée ?
Oh oui, je peux voir que vous êtes divin ; je peux voir votre divinité.
C’est donc ainsi que certaines personnes ont décrit cette histoire.
Habituellement, les forces du bien, les forces masculines, écrasent les forces du mal, donc il faut qu’il y ait un homme au sommet, car quelqu’un doit dire qui est bon et qui est mauvais. C’est l’histoire que l’on injecte à tout le monde.
Un participant : Il faut avoir la foi, vous savez ?
Marshall Rosenberg : Il faut avoir la foi, c’est pourquoi ces rois ont impliqué l’Église. Ils ont fait en sorte que l’Église travaille avec eux pour définir les droits divins des rois. D
onc, vous voyez, c’est une dimension très importante pour le changement social.
Comprendre l’histoire que les cultures essaient de transmettre aux gens, car comme nous le verrons, cela va affecter les trois dimensions suivantes.
Ces extraits sont issu d’un atelier animé par Marshall Rosenberg à San Diego en mai 2000 et sert d’introduction à sa sagesse pour soutenir efficacement le changement social.
En tant que pratiquant de la CNV, comprenons qu’oeuvrer pour le changement social fait partie intégrante de ce processus, tel que le souhaitait son fondateur, Marshall Rosenberg : ne limitons pas la CNV au développement personnel et égotique !
Ces partages ont donc pour but de vous permettre de comprendre pourquoi, selon Marshall Rosenberg, il est nécessaire d’oeuvrer pour le changement social et comment.