L’expérience du sentir plutôt que les histoires mentales irréelles

Pour moi, la Communication Non Violente est une pratique corporelle et je ne cesserai de le rappeler.

Utiliser son esprit logique de déduction pour être en contact des ses ‘énergies de vie’ (besoins) est une erreur et ne permet pas d’accéder à la puissance de ce que permettent ces énergies de vie (repères personnels, création, intuition…)

Lorsqu’on est à l’étape des sensations corporelles, cela se fait via notre corp, soyons observateurs de cela, goûtons, laissons nous traversé pleinement et laissons ces énergies nous parcourir : c’est sans risque. Il n’y a rien à contrôler, mais plutôt à laisser être.

Je partage un extrait de « La Voie du Sentir » par Luis Ansa, qui décrit de manière juste ce dont il est question.

La présence aux sensations que nous ressentons, est aussi approfondi à travers le focussing. C’est une approche d’Eugene Gendlin, un proche collaborateur de Carl Roger, comme Marshall Rosenberg, quelle coincidence ! Cette attention permet d’avoir accès à ses repères internes, en apprenant à percevoir et écouter ce qui émerge, à travers des indices corporels.

Dans la voie du sentir, on a débranché le circuit du néocortex avec la pensée déductive et inductive, avec la comparaison, l’accumulation, la possession, la compétition, c’est à dire tout ce qui constitue votre personnalité individuelle et égoïste, et on branche son attention dans le monde biologique.
Là on ne demande rien. On lâche prise à toute demande, à toute attente. On se met en état d’amour. Et à un moment donné un renversement se fait, le corps parle et initie l’esprit.

Et cette initiation que le corps donne à l’esprit va à l’envers de tout ce que l’on a appris, que ce soit en religion, en philosophie ou en science. Car jamais le corps ne va parle de complexes, de psychologie de problème, le corps est libre de la conscience mentale; c’est le cerveau qui a une conscience mentale et individuelle. Le corps, lui, est en captation totale, périphérique, comme une sphère, il capte tous les côtés. Vous commencez alors à accéder à un autre cerveau qui est le cerveau cellulaire et auquel la science occidentale ne connait strictement rien. » (…)

« Le sentir vous enseigne, avec quelque chose que le cerveau ne connaît pas, c’est une dimension de dilatation, pour entrer dans le mystère, pour pouvoir vivre avec ce mystère que nous appelons le Vivant, sans l’altérer avec des concepts ». (…)

« La voie du corps a sa propre mystique, c’est l’état de tranquillité totale et un état de relation avec tout.

Le corps est un mystère inconnu, à moins de le cultiver, il est très rare que l’on ressente réellement le corps. Ce que l’on ressent c’est “le corps de survie”, un ramassis de projections psycho-socio-émotionnelles qui colorent et perturbent le corps dans son ensemble et notamment la respiration et nous empêche de vivre dans “le corps de délice” qui est paix. » (…)

« Le sentir n’a rien à voir avec le monde de la personnalité. Le sentir est une émotion, une émotion biologique, parce que le corps a ses propres émotions. C’est la partie émotionnelle du corps biologique. Le sentir, c’est plonger d’une façon vierge, neutre, dans une masse émotionnelle.

Le sentir me fait également connaître une autre forme de pensée. Par le sentir, je change d’angle de pensée, la pensée va se produire ailleurs. On pourrait dire qu’elle va se répercuter dans le cerveau, se refléter dedans comme sur un miroir, mais là, c’est le corps qui pense. En ce sens, le sentir est un déplacement du point d’assemblage. La pensée, où se rassemblent les associations, est un point d’assemblage et le sentir le déplace sur le corps biologique. A ce moment-là, c’est mon corps qui pense.

Lorsque je prend la sensation, ma pensée cesse, ce n’est plus moi qui pense, c’est le corps qui pense. Et lorsque le corps pense, il n’associe pas les pensées, car sa pensée est sphérique et créative. Le cerveau, lui, ne peut pas penser sans associer.
Il y a un autre point à clarifier. Ne mélangez pas sentir et ressentir. Quand on parle de ressentir, on va vers le corps à partir du mental, c’est-à-dire avec une pensée qui le conditionne. Vous entrez dans le corps avec quelque chose qui est déjà prévu, une pensée de bien-être ou de malaise, en fonction de ce que vous voulez y trouver, consciemment ou inconsciemment.Sentir, c’est l’état sensitif sans commentaire. Alors que ressentir, c’est la manière dont je traite la sensation, additionnée de commentaires et d’interprétations venant du connu. Vous avez donc amené le mental à observer ce qui se passe à l’intérieur du corps, c’est très différent Donc, si vous pensez quand vous êtes en état de sensation, c’est parce que vous n’êtes pas en état de sensation. C’est simple !

La Voie du sentir consiste à plonger la tête la première dans le sentir et se faire sentir par le corps, se faire recevoir par le corps, afin que le corps vous dise ce qu’il veut vous dire. Alors que dans le ressentir, vous avez une distance entre ce qui se passe dans le corps et l’observateur qui regarde. Le mental ne veut pas que vous ayez l’expérience du sentir parce qu’il ne peut pas vouloir arrêter de penser. Il ne veut en aucune façon se trouver nez à nez avec un univers qui ne correspond en rien à tout ce qu’il a pensé et en quoi il croit.(…)

La sensation grandit au fur et à mesure que vous lâchez prise de votre mental, que vous devenez moins cérébral. Plus vous vous retirez, plus elle augmente, parce que la sensation est obstruée par la présence de la pensée associative.  »

 

Luis Ansa, La Voie du Sentir – enseignements réunis par Robert Eymeri